« Femme, jeune, venant de l’est de l’Allemagne »
La secrétaire générale de l’Ifa Gitte Zschoch parle de ses débuts à l’Institut des relations étrangères, de la culture européenne et des formats numériques.
Gitte Zschoch est depuis octobre 2021 secrétaire générale de l’Institut des relations étrangères (ifa), soutenu entre autres par le ministère fédéral des Affaires étrangères et qui, en tant qu’organisme intermédiaire, promeut depuis l’Allemagne les échanges artistiques et culturels internationaux. Auparavant, Mme Zschoch a travaillé dans différents pays pour le Goethe-Institut et a fini comme directrice de l’European Union National Institutes for Culture (EUNIC), le réseau des instituts culturels européens. Lisez ici ce qu’elle dit de sa nouvelle mission, de la coopération européenne et des possibilités offertes par les échanges culturels virtuels.
Mme Zschoch, quel est votre bilan après quelques mois comme secrétaire générale de l’ifa ?
Le travail me plait et je me réjouis chaque jour de ce qu’il est possible de réaliser à l’ifa et avec l’ifa. Les réactions à ma nomination ont été favorables Une institution des relations culturelles internationales, fondée par le dernier roi du Wurtemberg, dirigée pendant 100 ans par un homme, est maintenant dirigée par une femme jeune et venant de l’est de l’Allemagne. C’est un signe fort qui a eu un écho entièrement positif. Cela est naturellement associé à des attentes, tant en ce qui concerne l‘innovation à l‘ifa dans son ensemble qu’en termes de diversité, d’actualité, de numérisation, de plus grande compétence transculturelle et de plus de participation dans notre maison et son travail.
Le regard sur la culture allemande et européenne change-t-il quand, comme vous, on a longtemps vécu en Asie et en Afrique ?
Inévitablement. Tout d’abord à titre purement géographique : on constate combien sa vision du monde est eurocentrée, malgré toute l’éducation, toutes les lectures politiques, toute l‘ouverture sur le monde pratiquée consciemment. Que percevons-nous comme centre – et comme périphérie ? Où, en raison de cette perception, devenons-nous inconsciemment vecteurs des schémas racistes ou impérialistes auxquelles nous résistons au niveau conscient ?
On sait bien que l’art est un miroir des sociétés et un espace pour définir, interroger et négocier les identités en continu. Des identités qui ne s’arrêtent plus aux frontières des pays comme le montre actuellement le sujet particulièrement lourd du colonialisme.
Ce sujet, présent non seulement dans l’art des pays et des personnes concernés par la colonisation allemande, mais aussi de plus en plus dans le travail des artistes en Allemagne, ne saurait être exploré dans la seule perspective allemande. Particulièrement parce que nous considérons comme faisant partie de notre mission de transmettre le savoir du monde en Allemagne. Le principe de la co-production et de la co-curation, l’inclusion égale des artistes et des commissaires d’exposition des communautés concernées est indispensable. La série d’expositions Untie to Tie de la Galerie ifa à Berlin, consacrée à l’analyse des continuités coloniales, en est un bon exemple ; elle rend tangibles les traces de la pensée coloniale dans les livres scolaires et le matériel pédagogique avec la publication « Untie to Tie. Koloniale Fragmente im Kontext Schule ».
Avant d’entrer à l’ifa, vous dirigiez l‘EUNIC, le réseau des instituts culturels européens à Bruxelles. Quelle est l’importance de la coopération au sein de l’Europe pour l’ifa ?
L’Europe est une thématique transversale de l‘ifa ; c’est pourquoi nous dépendons d’une bonne coopération avec nos partenaires et voisins européens – mais pas seulement. Nous sommes membres de l’EUNIC, le réseau des instituts culturels européens, cela renforce notre travail dans le monde. Dans ce cadre, nous testons de nouvelles formes de partenariats culturels globaux – égaux en valeur et en droits. La coopération avec l’UE deviendra plus importante pour l’ifa dans les années à venir.
Cela se voit entre autres dans la partie Intégration et Médias de notre programme, consacrée au soutien du travail culturel des minorités allemandes en Europe centrale et orientale, en Europe du sud-est et dans les pays de la CEI. Ce travail contribue à renforcer le vivre-ensemble des différents groupes européens.
A l’ifa, nous considérons traditionnellement les minorités allemandes comme des jeteurs de passerelle entre leurs pays et la République fédérale. Mais elles sont bien plus. Les minorités sont toujours plus un séismographe des démocraties, cela vaut pour les minorités ethniques en Allemagne comme pour les minorités allemandes ailleurs.
La durabilité et la numérisation sont aussi de grands axes de votre travail. Les échanges culturels internationaux deviendront-ils eux aussi virtuels ?
Ils le sont déjà. Avant même la pandémie, l’ifa a complété ses projets et ses programmes avec différents formats numériques. Nous avons élaboré nombre de formats depuis 2020 pour créer des alternatives solides aux offres interrompues ou réduites par le coronavirus. Les expositions numériques de nos galeries, les bourses virtuelles du programme CrossCulture et les résidences virtuelles dans le cadre des programmes de protection en font partie. Ces expériences ont été positives, elles ont été accueillies par les participants comme étant bien plus que des solutions provisoires. Nous poursuivrons donc nombre de ces formats parallèlement aux offres d’échanges analogues car ils les complètent. Dans l’idéal, ils ouvrent de nouveaux accès et augmentent le rayonnement de notre travail.
Quelle est néanmoins l’importance de voyager d’autres pays pour découvrir les autres cultures en direct ?
Rien ne peut remplacer les échanges avec les autres, l’entretien in vivo, le travail conjoint, le vécu commun. Ils resteront un élément central des relations culturelles internationales. Mais les offres virtuelles peuvent créer des espaces supplémentaires permettant de renforcer et de dupliquer l’impact des rencontres personnelles de manière durable.
Le site de l’Institut des relations étrangères