« L’argent n'est pas le facteur déterminant »
Un soutien après la catastrophe : Barbara Schock-Werner coordonne l’aide allemande pour la reconstruction de Notre-Dame.
En tant qu’ancienne maîtresse d’œuvre de la cathédrale de Cologne, Barbara Schock-Werner s’y connaît en édifices religieux historiques autant que peu d’autres spécialistes en Allemagne. Il allait donc de soi que le choix se porte sur l’architecte et conservatrice de monuments historiques expérimentée lorsque, après l'incendie dévastateur de la cathédrale Notre-Dame, on a cherché quelqu’un pour organiser les nombreuses offres d'aide de l'Allemagne.
Madame Schock-Werner, qu'avez-vous pensé lorsque, en avril 2019, vous avez vu à la té lévision la cathédrale Notre-Dame en feu ?
J’ai pensé : « ce n’est pas possible, ce n'est pas la réalité ». J’étais complètement horrifiée car je pouvais bien imaginer ce que cet incendie signifiait pour le bâtiment et les collègues chargés de la conservation des monuments historiques.
Avez-vous immédiatement pensé que vous pourriez contribuer à la reconstruction ?
Non, cela ne s’est passé que trois jours plus tard lorsque j’ai eu un appel téléphonique du bureau de la ministre d’Etat à la Culture Monika Grütters. Il y avait tant d’offres d'aide à la reconstruction en provenance d’Allemagne qu'il fallait de toute urgence une personne pour coordonner le tout. Comme j’apprécie toujours les nouvelles tâches, j'ai accepté.
Quelle est votre tâche ?
J’ai tout d’abord recueilli les offres d’aide et répondu à toutes les lettres. Naturellement, J’ai dû commencer par demander aux gens d’être patients. Cet incendie a pris la France au dépourvu – il a d'abord fallu une organisation pouvant lancer la reconstruction.
De quelles offres d’aide s'agissait-il ?
Des offres très variées. Un fabricant allemand de grues a proposé de mettre à disposition du matériel pour le chantier. Ce qui s’est passé effectivement. Il y a eu des offres de dons de bois et des charpentiers ont proposé leur assistance. Quelqu'un voulait reconstruire la charpente du toit de la cathédrale en impression 3D, un autre voulait faire une sculpture à partir du bois carbonisé. Cela est envisageable, mais ce n’est certainement pas ce qu’il y a de plus urgent actuellement.
En plus des offres d'aide pratiques, il y avait également en Allemagne beaucoup de personnes prêtes à faire des dons.
Aujourd’hui quelque 460 000 euros sont sur le compte de la Commission allemande pour l’UNESCO. La société de construction de la cathédrale de Cologne a également fait une collecte qui s'élève entre-temps à 220 000 euros. L’argent provenait de particuliers, de paroisses et d'entreprises. Toutefois, la France a reçu un total de centaines de millions d'euros de dons, l’argent n’est donc pas le facteur déterminant. J’étais d’accord avec tous les participants pour que liions les dons à une offre d’aide concrète.
De quelle offre s’agissait-il ?
Les responsables en France ont fait démonter les vitraux de la cathédrale pour les nettoyer et les restaurer. Comme il existe des ateliers de verrerie sur trois chantiers de construction de cathédrales en Allemagne, j'ai pensé que c'était une offre utile de nous charger d'une partie de la restauration du verre. Cependant, au début, les négociations ont été difficiles car les compétences n’étaient pas claires.
Et puis il y a eu l’arrivée de la pandémie de Covid-19.
Oui. Immédiatement après l'incendie, je suis allée trois fois à Paris et j’ai visité la cathédrale et les ateliers de conservation des monuments historiques français. Ensuite, il n'était malheureusement plus possible de voyager. Beaucoup de choses se passent par vidéoconférence – mais pas tout. Néanmoins, nous avons convenu que quatre ou cinq des vitraux d’environ 72 mètres carrés chacun seraient restaurés en Allemagne. Cependant, les travaux ne commenceront probablement pas avant début 2021 car les collègues à Paris s’occupent encore de la sécurité et sont confrontés à d’autres défis importants.
Outre dans la restauration des vitraux, dans quels autres domaines l'Allemagne a-t-elle des compétences particulières ?
Les chantiers allemands de construction de cathédrale, avec leurs tailleurs de pierre, pourraient certainement apporter une aide mais on ne sait pas encore si les voûtes de la cathédrale doivent vraiment être remplacées. Cela dépend si elles ont été brûlées de manière à ne plus pouvoir être portantes. Pour le déterminer, des recherches approfondies sont nécessaires. Le cas échéant, des tailleurs de pierre allemands pourraient aller à Paris ou une partie des pierres pourraient être taillées ici en utilisant des gabarits. Nous pourrions aussi contribuer au nettoyage de l'orgue qui doit être complètement démonté et nettoyé car il y a de la poussière de plomb dans les tuyaux.
Il semblerait qu’il faille beaucoup de patience.
Beaucoup de gens pensent qu’une telle église peut être reconstruite du jour au lendemain. Ce n’est bien sûr pas le cas. Mon collègue français m'a dit qu’il faudrait dix ans rien que pour que les pierres soient complètement sèches. Et comme l’eau de la Seine a été utilisée pour éteindre l'incendie, il y a de plus des traces de salissures sur les murs qui doivent être enlevées.
La reconstruction de Notre-Dame pourrait-elle renforcer à long terme la coopération franco-allemande dans le domaine de la conservation des monuments historiques ?
Philippe Villeneuve, l’architecte en chef des monuments historiques en France, était présent cette année aux Journées du patrimoine à Bâle. Jusqu’à maintenant, Notre-Dame n’a pas de chantier de construction de cathédrale - il s'est montré très intéressé par la création d’une telle institution et par la possibilité d’avoir recours au savoir-faire allemand. Ainsi, la catastrophe pourrait avoir du bon.