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Pour que les voix critiques ne se taisent pas

Depuis avril 2023, le Soudan est en guerre. La plateforme Exile Media Hub Nairobi soutient des journalistes qui ne sont pas en sécurité dans leur pays. 

Auteure Ana Maria MärzAna Maria März, 18.07.2024
L’Exile Media Hub à Nairobi soutient des journalistes en exil.
L’Exile Media Hub à Nairobi soutient des journalistes en exil. © MiCT/Arnold Julian

La balle a atteint Faiz Abubakr dans le dos. C’est ce qu’il raconte dans une vidéo YouTube publiée début 2024 par l’organisation allemande à but non lucratif Media in Cooperation and Transition (MiCT). Dans ce court film, Abubakr montre sa cicatrice et raconte : il était en train de prendre des photos lorsque des soldats des forces paramilitaires soudanaises, soudainement, le capturèrent, l’un d’entre eux lui tirant dessus. Quand Abubakr lança qu’il était journaliste photo, ils le laissèrent partir. Peu après, il quitta le Soudan pour fuir en Égypte.

Video In the Shadow of Violence: Faiz's Lens on Sudan's Turmoil MiCT International Lire la vidéo

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Depuis avril 2023, la guerre civile fait rage dans le pays d’Abubakr. Deux généraux se disputent le pouvoir dans le pays. D’un côté, le président, Abdel Fattah al-Burhan, avec les Forces armées du Soudan (SAF). De l’autre, son ancien adjoint Mohammed Hamdan Daglo, chef de la milice FSR. Ces violences causent de grandes souffrances à la population. Des milliers de personnes ont trouvé la mort, des millions d’autres ont fui. Les Nations unies mettent en garde contre un génocide ; l’Organisation mondiale de la santé (OMS) y voit un risque imminent de famine.

Des journalistes qui ont fui le Soudan

Le monde est peu informé sur cette guerre. Il est dangereux et difficile de faire des reportages depuis ce pays. Tout comme Faiz Abubakr, de nombreux journalistes ont fui, notamment vers l’Égypte, l’Arabie saoudite, l’Ouganda ou le Kenya. Là-bas, il existe depuis quelque temps un lieu d’accueil pour eux ainsi que pour les journalistes exilés d’autres pays d’Afrique de l’Est : l’Exile Media Hub Nairobi. Jey Wegner, responsable du programme de bourses à MiCT, explique que « le hub a été ouvert en réponse à l’escalade du conflit au Soudan ».

Une aide financière pour des journalistes en exil

Le hub de MiCT, de l’International Press Association of East Africa (IPAEA) et de l’organisation soudanaise Al Adwaa a été officiellement lancé en avril 2024 dans le cadre de l’initiative Hannah Arendt, avec le soutien de l’UNESCO et du ministère allemand des Affaires étrangères. L’année précédente, une phase pilote avait déjà eu lieu, au cours de laquelle 80 journalistes avaient été soutenus, dont Faiz Abubakr. En 2024, environ 35 autres fellows d’Afrique de l’Est devraient s’y ajouter et pourront postuler pour bénéficier d’un soutien de quelques mois. Ce soutien comprend une bourse d’études et d’autres offres d’aide.

Dans l’Exile Media Hub, des professionnels des médias peuvent continuer à travailler.
Dans l’Exile Media Hub, des professionnels des médias peuvent continuer à travailler. © MiCT/Arnold Julian

Le hub a trouvé sa place dans les locaux du Baraza Media Lab, à Nairobi. Il devrait servir de refuge pour les journalistes exilés d’Afrique de l’Est – et leur donner le pouvoir de continuer à travailler. Ils y trouvent un espace de coworking, un studio de podcast ou de l’équipement qu’ils peuvent emprunter pour mener à bien leur travail. Mais le hub ne se limite pas aux structures sur place, il existe également en tant que centre d’accueil numérique pour ceux qui ne sont pas présents à Nairobi.

Des conseils en matière de sécurité, de visas, de cours de langue

Des collaborateurs de l’IPAEA encadrent les fellows en coordination avec le MiCT. Ils apportent également des réponses aux questions relatives à la sécurité, aux visas ou aux cours de langue, aidant ainsi à l’intégration. Dans les consultations individuelles ou les séances de groupe, le thème de la santé mentale joue également un rôle. Les réfugiés ont souvent vécu des choses épouvantables. « Il est important, en exil, de disposer d’une communauté avec laquelle on peut partager ses expériences », explique Wegner. Les journalistes d’Afrique de l’Est ne sont pas les seuls à pouvoir partager des informations. Grâce à la « MiCT Fellowship for Critical Voices », il y a des centaines de boursiers dans le monde entier.

L’Exile Media Hub offre une infrastructure et une aide complètes.
L’Exile Media Hub offre une infrastructure et une aide complètes. © MiCT/Arnold Julian

Le hub de Nairobi offre, par ailleurs, des possibilités de formation continue et aide les fellows à trouver des voies et des réseaux dans le paysage médiatique, grâce auxquels ils pourront à l’avenir continuer à financer leur travail. « On reste fellow pour la vie », dit Wegner, même lorsque la bourse a été versée. Il indique que les journalistes réfugiés auraient « incroyablement à cœur de faire des reportages ». Wegner parle, par exemple, d’une journaliste qui réalise en Ouganda un programme de radio en arabe pour ses compatriotes, qui ont également fui le Soudan, afin qu’ils sachent ce qui se passe dans leur pays. « Ce sont des personnalités extrêmement impressionnantes », dit Wegner à propos des fellows. « On ne peut même pas s’imaginer à quel point ces gens sont résilients. »

Journaliste photo Faiz Abubakr
Journaliste photo Faiz Abubakr © Hafsa Burai

Faiz Abubakr est entre-temps rentré au Soudan. Malgré le mauvais réseau, il répond à quelques questions par WhatsApp. Il fait savoir que le hub l’a aidé à travailler un peu et à subvenir à ses besoins. Toutefois, il dit : « J’ai une passion pour documenter les événements actuels au Soudan en cette période difficile. »Une passion à laquelle la guerre fait actuellement obstacle. En 2022, Abubakr a remporté le World Press Photo Award dans la catégorie « Africa, Singles » ; l’Agence France Press, le New York Times et Le Monde comptaient parmi ses clients, raconte-t-il. Mais lorsqu’on l’interroge sur sa situation professionnelle actuelle, il répond aussi : « Pour l’instant, il n’y a rien. J’ai tout perdu. » Sur son compte Instagram, suivi par 10 000 personnes, on se fait à travers ses photos une impression actuelle de son pays. Des gens en fuite, des maisons détruites. Mais Faiz Abubakr ne se prive pas de photographier ni d’espérer : « J’espère que la paix l’emportera et que cette guerre prendra fin. »