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Francis Kéré : architecte du développement durable

Conçue modestement, pensée localement et mise en œuvre socialement : l’architecture de Kéré indique une voie pour l’avenir de la construction.  

Autor Till BrieglebTill Briegleb , 22.05.2024
Lauréat du prix Pritzker, originaire du Burkina Faso : Diébédo Francis Kéré
Lauréat du prix Pritzker, originaire du Burkina Faso : Diébédo Francis Kéré © picture alliance/dpa

L’« architecture durable » est à la mode et elle est nécessaire. Néanmoins, le « green washing » fait ici également partie du quotidien : des architectes de renom « verts » parcourent le monde en jet privé et une bonne dose de mégalomanie plane souvent dans la dimension des « projets d’avenir ». Dans ce secteur, Diébédo Francis Kéré est une figure flamboyante en matière de sérieux. Parce que le développement durable, tel qu’il le conçoit, regroupe avant tout trois aspects : il est conçu modestement, pensé localement et mis en œuvre socialement.  

Les projets qui ont contribué à la renommée de Kéré sont réalisés à partir de briques d’argile séchées à l’air ; ils remplacent les solutions techniques de climatisation par la sagesse de la construction traditionnelle et ont vu le jour grâce à la mise à contribution de communautés. Cela a d’abord des raisons biographiques. À Gando, au Burkina Faso, le banc d’école sur lequel Francis Kéré s’asseyait étant enfant – dans une salle de classe à la chaleur étouffante – enfonçait ses clous dans sa chair à chacun de ses mouvements. Fils d’un chef de village, lorsqu’il put partir étudier à Berlin, en Allemagne, il emporta un clou avec lui, lui rappelant que ce privilège d’étudier à l’étranger n’était justifié que s’il donnait quelque chose en retour à sa communauté. 

La nouvelle école primaire du village natal de Kéré, Gando, au Burkina Faso
La nouvelle école primaire du village natal de Kéré, Gando, au Burkina Faso © picture alliance/dpa/MAXPPP

En commençant par la construction d’une nouvelle école pour Gando, qu’il a réalisée à moindre coût avec la communauté villageoise alors qu’il était encore étudiant en 2001, Kéré a suivi dans son travail des principes « afrofuturistes ». En combinant les pratiques de construction traditionnelles et les technologies de pointe, Kéré recherche des solutions artisanales adaptées au lieu. Son design renforce l’enracinement culturel tout en restant contemporain.  

Kéré adapte également des influences venant de sa nouvelle patrie, Berlin. Par exemple, en 2010, sa collaboration avec l’artiste Christoph Schlingensief a débouché sur la création de l’« Operndorf » à Laongo, au Burkina Faso, un campus éducatif situé en pleine steppe. C’est ainsi que l’idée de la construction en terre et des matériaux de construction naturels a acquis une nouvelle clarté et une nouvelle fascination.  

Le pavillon de Kéré pour la Serpentine Gallery à Londres, en 2017
Le pavillon de Kéré pour la Serpentine Gallery à Londres, en 2017 © picture alliance / robertharding

Kéré considère, en revanche, l’architecture verte haut de gamme comme une duperie. « Aujourd’hui, tandis que les effets du changement climatique créent des conditions de plus en plus inhospitalières, la tendance est aux solutions qui sont inabordables économiquement et catastrophiques écologiquement », déclare Kéré. « Nos projets, en revanche, ne ciblent pas seulement les aspects écologiques, mais aussi les aspects sociaux et économiques de la durabilité. »  

Avec cette approche, Kéré est désormais entendu sur la scène internationale. En 2022, il a reçu le prix Pritzker, soit la distinction la plus convoitée pour les architectes de renom : « Le travail de Kéré nous rappelle la nécessité de lutter pour changer nos modes de production et de consommation non durables, et de nous efforcer de mettre à disposition des bâtiments et des infrastructures adéquats pour des milliards de personnes dans le besoin. » 

Le bureau berlinois de Kéré cherche, pour des projets en Europe et aux États-Unis, la solution appropriée pour chaque site à bâtir, tant au niveau des matériaux que de la construction. La construction d’une école Waldorf dans la petite ville bavaroise de Weilheim a été conçue en bois, une tour universitaire à Munich a été aménagée en cité-jardin verticale. Mais c’est surtout dans les pays de la zone subsaharienne que Francis Kéré réalise un travail absolument exemplaire, en utilisant « la force de l’architecture comme levier de transformation sociale ».  

Les clous du banc de l’école ont ainsi continué à agir dans sa philosophie de la durabilité : « Indépendamment de la prospérité, nous devons être conscients de notre impact sur l’environnement et nous efforcer d’offrir à tous un confort et un avenir durable », estime Kéré ; et c’est aussi ce qu’il fait.