« Le journalisme allemand est alarmé »
A quoi ressemble l’avenir du journalisme ? Est-il justifié de critiquer les médias ? Ce que dit l’expert en communication Christoph Neuberger.
Christoph Neuberger est professeur de sciences de la communication à l’université Ludwig Maximilian de Munich. Dans une interview, il s’exprime sur la qualité des médias allemands, la mutation des médias et le rôle des contenus sponsorisés.
Professeur Neuberger, comment le journalisme allemand se porte-t-il actuellement ?
On parle sans cesse de trois crises : la pression économique, le manque de distinction, la perte de qualité. On ne peut pas nier la crise économique. La presse et la radio ont beaucoup perdu sur le marché publicitaire car l’internet offre des alternatives attractives. Cela laisse des traces : les entreprises de médias suppriment des emplois et préfèrent coopérer, fusionner et investir en dehors du journalisme.
En ce qui concerne l’identité, le journalisme a un problème de délimitation : comme n’importe qui peut publier sur internet, le journalisme doit avoir un positionnement marqué. La critique – souvent populiste - portant sur la qualité est en grande partie injustifiée. Des résultats empiriques ont montré qu’il n’y a pas de perte de confiance. Les médias en Allemagne sont plus diversifiés, indépendants et critiques qu’on ne le prétend bien souvent.
Comment le journalisme peut-il sortir de la crise ?
La crise a alarmé le journalisme en Allemagne. Il ne s’est jamais autant remis en question, n’a jamais accordé autant d’importance aux fautes. On sent une ambiance de renouveau. Le journalisme expérimente des présentations multimédias et l’automatisation des processus rédactionnels. Mais le principal défi réside dans la recherche de nouvelles sources de financement. Le journalisme est si important pour la démocratie que son existence ne doit pas dépendre seulement des forces du marché. Mais les aides publiques et le sponsoring créent toutefois de nouvelles contraintes. Les tentatives d’impliquer plus fortement le public dans le financement sont très intéressantes.
Les médias en ligne et les médias imprimés peuvent-ils coexister ?
Les médias imprimés et les médias en ligne ne sont pas des concurrents naturels mais peuvent profiter les uns des autres. Pour cela, les entreprises de médias doivent les utiliser en fonction de leurs qualités respectives : les nouvelles de dernière minute sur Twitter, les vidéos et les débats sur le site web, les éditoriaux et les reportages sur l’édition imprimée.
Les Allemands sont-il prêts à payer pour le journalisme ?
Selon le Digital News Report, en 2017, seulement huit pour cent des internautes allemands ont payé pour des informations. C’était 16 pour cent aux Etats-Unis. Cette mentalité de la gratuité des Allemands est probablement due à l’offre variée et à la position dominante du service public de radiodiffusion. Lorsqu’un prestataire demande un paiement, il reste suffisamment d’alternatives.
Qu’est-ce qui caractérise le secteur des médias allemands ?
Le journalisme allemand est encore bien placé. Il y a de nombreux médias de qualité : une presse quotidienne et hebdomadaire nationale, un grand choix de chaînes de radio et de télévision publiques et une presse régionale variée.
Interview: Christina Iglhaut
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