Des solutions numériques au service de l’humain et de la nature
Protéger les éléphants de forêt, prédire les récoltes ou détecter des agents pathogènes : ces projets germano-africains montrent comment cela, entre autres, peut fonctionner avec l’intelligence artificielle.
L’intelligence artificielle ouvre de nouvelles possibilités pour répondre aux défis mondiaux, allant des soins de santé à la protection des animaux. Les coopérations germano-africaines aboutissent à des approches innovantes qui profitent à la fois à l’humain et à la nature. Que ce soit pour identifier des agents pathogènes en quelques minutes, pour protéger les éléphants de forêt ou pour prédire les récoltes, ces projets montrent comment l’IA parvient à créer des solutions pour assurer un avenir durable.
Mieux protéger les éléphants de forêt
Pour que l’IA puisse être appliquée, l’algorithme doit apprendre. Tel est le cas actuellement dans un projet de l’organisation de protection de l’environnement WWF Allemagne et de l’entreprise informatique IBM. À l’avenir, un logiciel d’IA ne se contentera pas de compter les éléphants de forêt, préalablement filmés par une caméra dans la forêt tropicale ; il devra également identifier les éléphants de manière individuelle. « C’est quelque chose de tout à fait nouveau », indique Thomas Breuer, responsable de l’Afrique centrale au WWF Allemagne et coordinateur chargé des éléphants de forêt. « Pour que l’algorithme apprenne à identifier les animaux inconnus, il faut dans un premier temps des animaux qui ont déjà été identifiés », précise-t-il. Le comptage des animaux doit contribuer à mieux les protéger. « Sur place, les chercheuses et chercheurs connaissent un grand nombre d’animaux en tant qu’individus. nous pourrons aussi préciser à l’algorithme de quel éléphant il s’agit. » Ensuite, l’IA doit être entraînée et testée, poursuit-il. « Il nous faudra encore quelques années avant de disposer dans la forêt tropicale de pièges-caméras fonctionnant à l’énergie solaire, avec un algorithme intégré et une transmission en temps réel », annonce Breuer. Cependant, même si les débuts nécessitent beaucoup de travail, le développement de l’IA est rapide, ajoute-t-il.
Identifier rapidement les agents pathogènes
L’université de Münster a développé une méthode rapide et bon marché pour identifier les agents pathogènes. Les scientifiques n’ont besoin que d’un ordinateur, d’un microscope muni d’une caméra et d’un logiciel capable de différencier différents agents pathogènes. « Le charme de notre approche repose sur le fait que nous réalisons de simples colorations microscopiques qui sont ensuite interprétées à l’aide de l’IA », explique le professeur Frieder Schaumburg, directeur à l’Institut de microbiologie médicale. « L’identification prend environ 15 minutes. Le coût des matériaux sera de l’ordre du centime », précise-t-il. Cette nouvelle méthode devrait bientôt être testée dans deux hôpitaux africains partenaires de l’université : l’Hôpital Masanga, en Sierra Leone, et l’Hôpital Albert Schweitzer, au Gabon.
Chatbots dans la langue du pays
Pour que l’IA profite à un grand nombre de personnes, la technologie doit parler leur langue. Pour rendre cela possible, en 2019, l’ initiative FAIR Forward – mise en œuvre par la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) – a vu le jour à la demande du ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ). « C’est précisément pour les langues africaines qu’il n’existait – jusqu’à présent – pratiquement pas de données linguistiques traitées par l’IA », informe Jonas Gramse, chef de projet chez FAIR Forward. « Celles-ci sont pourtant nécessaires pour développer, par exemple, des outils de traduction ou des chatbots (dialogueurs) pour des langues locales. » En Ouganda, au Kenya et au Rwanda, FAIR Forward a contribué à la création de bases de données accessibles au public en luganda, en kiswahili et en kinyarwanda. Au Rwanda, un chatbot a été développé afin d’informer les gens sur le Covid-19 dans la langue locale, le kinyarwanda. « FAIR Forward prône un accès ouvert et non discriminatoire ainsi qu’une utilisation éthique de l’IA », fait savoir Gramse à propos de cette initiative qui fournit également des conseils sur les questions de droits humains et de protection des données.
De l’IA dans l’agriculture
Au-delà des langues, FAIR Forward s’intéresse également aux données géographiques afin d’appliquer l’IA dans l’agriculture. « Les cultivatrices et cultivateurs peuvent ainsi prédire leurs récoltes ou détecter les parasites », ajoute Gramse. FAIR Forward soutient des entreprises et des organisations en Afrique et en Asie, par exemple par l’intermédiaire du programme de mentorat commercial en IA open source. Le Local Development Research Institute du Kenya y a notamment participé ; cet institut propose des systèmes d’alerte précoce aux cultivatrices et cultivateurs. Ou encore l’entreprise M-Omulimisa d’Ouganda, qui aide les agricultrices et agriculteurs à obtenir plus facilement des crédits grâce à des prévisions de rendement basées sur l’IA.
Explorer l’histoire coloniale avec l’IA
Déchiffrer des manuscrits étrangers peut s’avérer difficile. Surtout si le texte est écrit dans une écriture ancienne. Grâce à l’IA, les archives fédérales allemandes ont développé un programme de reconnaissance d’écritures qui devrait contribuer à l’étude des crimes coloniaux commis par l’Allemagne. Dorénavant, les chercheuses et chercheurs peuvent lire et rechercher plus facilement les quelque 10 000 dossiers de l’office impérial aux colonies ; ils comportent de nombreux textes rédigés en écriture Sütterlin. Cette dernière est une écriture allemande qui a été introduite au début du XXe siècle, mais qui n’est, pour ainsi dire, plus utilisée de nos jours. D’ici deux ans, il est prévu que les documents, en plus d’être utilisables sur place, puissent aussi être consultés en ligne.
Les sciences connectées
Un réseau pour les scientifiques qui se sont penchés sur le thème de l’IA existe depuis 2020 : le Responsible AI Network Africa (RAIN Africa). Le projet s’est développé à partir d’un partenariat établi entre la faculté d’ingénierie électrique et informatique de la Kwame Nkrumah University of Science and Technology (KNUST) du Ghana et l’Institute for Ethics in Artificial Intelligence de l’université technique de Munich (TUM). Les chercheuses et chercheurs de plusieurs pays africains et d’Allemagne échangent, par exemple, sur la manière de promouvoir l’IA dans des domaines tels que la santé ou l’éducation, ou sur ses implications sociales et éthiques. « Un aspect intéressant de ce réseau international est la nécessité d’aborder la question de savoir comment le contexte et la culture pourraient modifier ces discussions ou ces approches ; en effet, dans notre pays, nous ne traitons souvent ces sujets qu’avec une approche plutôt européenne », déclare Caitlin Corrigan de la TUM.