Une feuille de route pour plus de croissance
Une immense zone de libre-échange doit être créée en Afrique. Le spécialiste de l’Afrique Heiko Schwiderowski explique ce que cela signifie pour les entreprises allemandes et où en sont les préparatifs.
M. Schwiderowski, le grand projet de zone de libre-échange africaine pourrait bientôt devenir réalité. Quel est l’état des travaux ?
Après 17 ans de préparatifs intenses, l’accord de libre-échange en Afrique est entré en vigueur au début du mois de juillet 2019. Il règle la création d’une zone de libre-échange africaine et un grand marché intérieur africain doit apparaître sur cette base. 54 pays ont adhéré à l’accord, seule l’Erythrée a refusé de signer. Près de 30 pays ont ratifié l’accord au niveau national. Avec un marché de quelque 1,2 milliard de personnes, cela serait la plus grande zone de libre-échange au monde. Les accords doivent maintenant être appliqués.
Pourquoi cette initiative est-elle si importante, quel potentiel réside dans la zone de libre-échange pour les pays africains ?
Le commerce entre les pays africains ne représente que 16 % de leur commerce total. Par comparaison, le commerce intra-européen représente 69 % des échanges sur le continent. Il y a donc une forte marge. La réalisation de ce potentiel dépendra de la rapidité avec laquelle l’accord sera appliqué par tous les Etats signataires et s’il est valide pour tous les secteurs du commerce et des services.
Quelles opportunités et potentiels une zone de libre-échange africain offre-t-elle à des partenaires allemands ?
Selon World Business Outlook, une enquête mondiale réalisée par les Chambres allemandes du commerce extérieur (AHKs) en novembre 2019 auprès de 3.700 entreprises allemandes, 58 % d’entre elles s’attendent à de meilleures affaires sur le continent africain dans les douze mois à venir. Ce chiffre inhabituellement élevé montre le fort potentiel des marchés africains pour les entreprises allemandes. Il ne faut pas non plus sous-estimer la puissance symbolique de l’accord sur la zone de libre-échange : du point de vue de nos entreprises, la perspective d’un grand marché intérieur renforce l’espoir d’économies africaines compétitives, par exemple grâce à des investissements africains plus élevés ou une meilleure répartition du travail par-delà les frontières.
Quels obstacles restent encore à surmonter ?
Comme nous l’indiquent les AHKs en Afrique, les expériences en matière d’intégration régionale sont jusqu’à présent loin d‘être encourageantes, en Afrique de l’Est par exemple : une entreprise allemande ne peut que très difficilement fournir depuis Nairobi ses partenaires commerciaux en Tanzanie ou en Ouganda – et cela bien que l’East African Community existe depuis 20 ans et recherche des investissements en se qualifiant de site homogène. On trouve par contre un bon exemple d’intégration en Afrique australe : la Namibie s’est positionnée avec succès comme porte d’entrée des marchandises pour toute la région – grâce à une infrastructure des transports moderne et performante et un traitement rapide aux postes-frontière avec les pays voisins comme l’Afrique du Sud. Les entreprises allemandes en profitent elles aussi.
Du point de vue de l’industrie, il faut, à côté des conditions-cadres tarifaires de la zone de libre-échange africaine, s’attaquer aussi à l’infrastructure transfrontalière entre les pays africains : la disparition des droits douaniers et d’autres obstacles non-tarifaires au commerce ne sert pas à grand-chose si le commerce dans les zones transfrontalières se fait sur des voies de communication en mauvais état. Il y a encore beaucoup à faire en la matière dans la plupart des pays africains.