Le Cap de l’espérance verte
Une usine VW en Afrique du Sud introduit de nouvelles normes environnementales et est un facteur économique important.
Si l’on cherche l’origine de la résistance de la population noire en Afrique du Sud, on retrouve toujours la province du Cap-Oriental, dont est aussi originaire son premier président noir Nelson Mandela. De 1778 à 1878, neuf guerres de frontières ont eu lieu dans cette région entre les colons et les indigènes appartenant au groupe ethnique des Xhosas. À la même époque, des missionnaires écossais y créèrent les premiers établissements d’enseignement en Afrique pour les noirs.
Le Cap Oriental a ainsi été plus rapidement européanisé que les autres régions d’Afrique du Sud et la combinaison de la formation, d’un fort taux de chômage et de la pauvreté a produit un mélange social explosif. Il est donc surprenant que ce soit justement dans cette région à la situation politique précaire que, dans les années 1920, s’installe le centre de l’industrie automobile sud-africaine. Des incitations à l’investissement et Port Elizabeth ont fait que tout d’abord Ford (1923), General Motors (1924) s’y sont installés et, peu après la Second Guerre mondiale, le constructeur allemand Volkswagen (VW) a construit son usine de production à proximité de Port Elizabeth, contribuant ainsi à son surnom de « Detroit de l’Afrique du Sud ». Tout comme aux États-Unis, Le Cap Oriental connaît des temps difficiles et son taux de chômage d’environ 50 pour cent est le plus élevé d’Afrique du Sud.
Si un poids lourd tel que Volkswagen Südafrika (VWSA) quittait aujourd’hui le pays ou y réduisait ses activités, ce serait désastreux pour la région. Selon un porte-parole de la Chambre de l’industrie locale « Lorsque les chaînes de Volkswagen produisent moins de voitures, toute la région s’en ressent immédiatement ».
Malgré des grèves dans le secteur automobile sud-africain, qui n’ont pris fin qu’en automne 2013, VWSA ne semble pas envisager de telles mesures. Tout comme ses concurrents BMW et Daimler, VW a constamment augmenté sa production en Afrique du Sud et modernisé son usine à Uitenhage. L’usine produit pour répondre à la demande sud-africaine tout comme à celle du monde entier pour la Polo avec conduite à droite. Au cours des six dernières années, VWSA a investi plus de 5 milliards de rands (400 millions d’euros) dans la production locale et a fait de ses ateliers sud-africains l’un de ses principaux constructeurs de petits modèles au cœur du groupe. Au cours de ce processus, l‘une des usines les plus écologiques et les plus efficaces en matière d’énergie du groupe y a vu le jour. Le nouvel atelier d’emboutissage mis en service en 2012, qui produit des carrosseries avec la plus grande précision, a été construit selon les plus récents standards écologiques et consomme chaque année 150 mégawatt-heures d’énergie et 270 mètres cubes d’eau de moins que les installations précédentes.
VWSA indique produire des pièces particulièrement écologiques. Par exemple un filtre pour les particules de cendre produites par le combustible. Ainsi, pratiquement plus aucune fumée ne sort des pots d’échappement des véhicules diesel. De plus, pour le nouvel atelier d’emboutissage, on a utilisé de l’aluminium recyclé et opté pour un design respectueux de l’environnement.
L’agrandissement de l’unité de production est d’autant plus une forte marque de confiance pour le pays que le gouvernement sud-africain n’a toujours pas donné d’indication sur un nouveau programme de subvention à l’exportation demandé depuis des années par l’industrie automobile, programme servant à régler les autres aides du secteur dans la région du Cap. C’est la raison pour laquelle David Powels, PDG de VWSA, avait déjà mis en garde il y a quelques années sur le danger de disparition de l’industrie automobile en Afrique du Sud si l’absence de clarté sur ce programme devait se maintenir. Pour la région du Cap, un tel scénario serait catastrophique car le secteur automobile représente 7,5 pour cent du produit intérieur brut (PIB) du pays et est le second plus grand employeur de l’industrie.
Les nouveaux investissements sont importants pour l’Afrique du Sud aussi parce que VWSA est situé dans une région à l’infrastructure extrêmement faible. De plus, pour construire une grande partie des véhicules avec des pièces produites sur place, l’entreprise a attiré dans le pays des fournisseurs internationaux qui ont créé d’autres emplois.
L’Afrique du Sud, du fait de son grand éloignement des marchés mondiaux, ne convient qu’en partie en tant que site pour ce secteur. La production automobile a aussi été longtemps plus coûteuse, du fait de la nécessité d’importer environ 65 pour cent des composants, faute de fournisseurs dont, jusqu’à maintenant, seulement une partie travaillait sur place. C’est sur ce point que VWSA a récemment beaucoup œuvré. Powels est même persuadé que la production en Afrique du Sud ne sera prochainement pas plus coûteuse qu’en Europe et que, à long terme, les coûts pourraient même être inférieurs.
Les sites n’ont toutefois été maintenus que parce que les sociétés ont intégré depuis longtemps leurs filiales d’Afrique du Sud dans le réseau mondial de production et de distribution. Près de 80 pour cent de tous les véhicules produits en Afrique du Sud sont exportés. Le secteur automobile profite aussi d’une nouvelle, encore petite, classe moyenne noire : en l’an 2000 seulement environ 10 pour cent des Polo VW ont été achetées par cette classe ; aujourd’hui cela représente déjà environ la moitié des ventes. ▪
Wolfgang Drechsler