L’engagement allemand après la catastrophe du tsunami
Il y a dix ans, un grand tremblement de terre sous l’Océan indien provoquait de terribles tsunamis. L’Allemagne apporta une aide d’envergure. Une interview avec un responsable sur la durabilité de cette aide.
Le 26 décembre 2004, un grand tremblement de terre sous l’Océan indien provoquait de terribles tsunamis. De nombreuses côtes de la région furent ravagées, plus de 230.000 personnes moururent, dont 165.000 dans la seule Indonésie. La volonté internationale d’apporter une aide fut impressionnante, que cette aide soit officielle ou privée. La Société allemande de coopération internationale (GIZ) fait partie des organisations qui s‘engagèrent au Sri Lanka, en Thaïlande et en Indonésie à la demande du gouvernement fédéral allemand. Une interview avec M. Wolfgang Hannig qui fut, de 2005 à 2008, coordinateur général des programmes de la GIZ pour la reconstruction en Indonésie (il est aujourd’hui directeur de la GIZ en Ethiopie).
M. Hannig, après le tsunami, vous étiez dans la province indonésienne d’Aceh, alors terriblement éprouvée, et avez vu bien des choses en tant que coordinateur de la GIZ pour la reconstruction. Qu’est-ce qui vous a personnellement le plus impressionné ?
Ce qui m’a profondément touché, c’est le fait que les habitants d’Aceh n’ont pas désespéré après les ravages provoqués par le tsunami. Ils ressentirent cette catastrophe comme une épreuve et une mission divines. La volonté de s’en sortir par leurs propres moyens était impressionnante, notamment chez les femmes. A la mi- 2005, j’étais dans les camps, nombre de gens étaient encore paralysés par la catastrophe. Mais les femmes, notamment, tentaient d’obtenir des revenus. Elles faisaient des gâteaux, par exemple, ou tressaient des nattes. Ce sont elles qui disaient que nous n’avions pas besoin de leur construire des maisons, qu’elles les construiraient elles-mêmes. « Donnez-nous des moyens de production pour que nous puissions gagner l’argent nécessaire pour ces maisons. » Sans cette attitude de la part de la population, notre engagement n’aurait pas porté ses fruits. La GIZ à Aceh disposait de quelque 55 millions d’euros pour la coopération technique. Même avec dix fois plus d’argent, cela n’aurait pas fonctionné sans cette volonté de s’en sortir par ses propres moyens.
La reconstruction a donc réussi, dix ans après la catastrophe ?
Oui. Il y eut en septembre 2014 un rapport de l’ambassade allemande à Jakarta. Les membres de l’ambassade ont parcouru Aceh en se posant précisément cette question. Et ils en tirent un résultat généralement positif. En 2004, la guerre civile régnait encore à Aceh. Mais le tsunami provoqua un processus de paix car, face à la terrible situation de la population qui avait survécu, les deux parties pouvaient déposer les armes sans perdre la face. C’est grâce à cela que l’on a pu, à partir de 2006, s’attacher au développement économique au profit de la population. Cela était extrêmement important pour maintenir la paix. Les gens remarquèrent que la paix était profitable, qu’ils en tiraient un bénéfice. La GIZ a entre autres financé des moyens de production. Une coopérative de pécheurs dont le bateau avait été détruit par le tsunami a obtenu un bateau, une couturière une machine à coudre. Pour ceux qui avaient des connaissances manuelles mais pas de connaissances économiques, nous avons proposé une formation à la gestion. La formation professionnelle était aussi un grand axe. Nous avons construit de nouvelles écoles professionnelles, rénové et rééquipé celles qui n’avaient pas été détruites, formé des enseignants pour ces écoles et modernisé leurs programmes. Et nous avons donné des cours à un cinquième des anciens combattants du mouvement séparatiste GAM pour qu’ils aient une perspective dans la vie civile. Des hommes comme le forgeron d’armes le plus connu de la GAM, dont j’ai fait la connaissance un an après la guerre civile et qui transformait de vieilles armes en hélices de bateau. Nous avons formé au total 1100 anciens combattants à un métier civil. L’Allemagne a ainsi apporté une grande contribution à la paix à Aceh. Et cette paix perdure aujourd’hui encore.
Un système moderne d’alerte au tsunami a aussi été mis en place en Indonésie avec le soutien de l’Allemagne. Ce système fonctionne-t-il ?
Le matériel a été installé par le Centre de recherches géographiques à Potsdam (GFZ). Selon le centre, ce système compte parmi les plus pointus au monde au niveau technique. On a aussi tiré des leçons des échecs. Un système basé sur des bouées, qui ne faisait pas ses preuves, a été remplacé par un système sur la terre ferme. Il fonctionne avec 300 stations de détection et est relié par GPS. Il est ainsi précis et rapide. C’est particulièrement important pour l’Indonésie car les épicentres des tremblements de terre sous la mer sont proches des côtes. En l’espace de quelques minutes, les autorités compétentes à Jakarta peuvent décider, à l’aide d’un « Decision-Support-System », de lancer une alerte au tsunami ou pas. Selon le GFZ Potsdam, le système est très fiable et les unités indonésiennes sont maintenant bien formées à son maniement. Les Indonésiens l’exploitent sans appui extérieur depuis mars 2014.
La technique est une chose, les gens en sont une autre. Les habitants de la région sont-ils aujourd’hui mieux armés contre les tsunamis ?
Oui, indubitablement. Les gens en savent aussi beaucoup plus sur les tsunamis et sont formés pour affronter l’urgence. Le « Last-Mile-Management » a été l’une des principales tâches de la GIZ. Si Jakarta lance une alerte au tsunami, il faut mettre en route une chaîne d’information allant jusqu’aux habitants des côtes. L’information doit parvenir aux administrations locales et être diffusée par mégaphone, à la radio, par téléphone et par d’autres médias comme l‘Internet afin que les gens puissent se mettre à l’abri aux points de rassemblement situés en hauteur. La GIZ a produit du matériel d’information et d’entraînement pour la population, a organisé des exercices réguliers et créé des points de rassemblement sûrs. Autant que je sache, cela fonctionne bien et est pris très au sérieux par la population indonésienne.
Y a-t-il aussi eu un transfert de savoir au-delà d’Aceh ?
L’Indonésie, ce pays maritime aux 17.000 îles, a naturellement transmis ce know-how aux autres régions. L’archipel se situe sur l’Anneau de feu, avec de très nombreux volcans provoquant des tremblements de terre, et sur une fissure tectonique. Cela signifie que les îles sont menacées, de Flores à la pointe nord de Sumatra. Et il y a aussi eu un transfert de savoir entre les pays riverains de l’Océan indien qui pourraient être touchés par un tsunami – comme ce 26 décembre 2004.