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De l’art à perte de vue

L’exposition mondiale d’art moderne documenta se déroule tous les cinq ans à Kassel. Les œuvres marquent la ville de leur empreinte depuis des décennies.

17.06.2022
Affiche devant les colonnes du Fridericianum
Affiche devant les colonnes du Fridericianum © dpa

Des jardins flottants et des symboles de paix sont les signes avant-coureurs de la documenta 15. Avant même le début de l’exposition mondiale d’art moderne, des œuvres donnent dans la ville de Kassel une idée de ce qui attend les visiteuses et les visiteurs. Depuis la mi-juin, les deux « Floating Gardens » de l’artiste et commissaire d’exposition Ilona Németh flottent sur la rivière Fulda. Le « Future Garden » abrite des plantes qui purifient le sol des substances toxiques ; des herbes et des plantes ayant un effet positif les unes sur les autres poussent dans le « Healing Garden ». La documenta a aussi annoncé son arrivée au centre-ville de Kassel. Ainsi, l’artiste roumain Dan Perjovschi a peint en noir les colonnes de l‘entrée du Museum Fridericianum, y inscrivant en blanc des symboles et des signes sur le thème de la paix, de la solidarité et de la durabilité.

Installation en déchets de The Nest Collective
Installation en déchets de The Nest Collective © dpa

Sur la pelouse Karlswiese, on peut voir une installation en déchets que l’on peut parcourir, imaginée par le groupe d’artistes kényans « The Nest Collective ». Les artistes de Nairobi veulent attirer l’attention sur le transport de déchets, de textiles et de déchets électroniques vers les pays du Sud où ils contribuent à la dégradation de l’économie et de l’environnement.

L’exposition mondiale d’art moderne attire tous les cinq ans nombre de visiteurs à Kassel, au centre de l’Allemagne. Après la Biennale de Venise, la documenta est la plus importante exposition d’art contemporain au monde. Sa 15e édition se déroule du 18 juin au 25 septembre 2022 à Kassel et est organisée par le groupe d’artistes indonésiens Ruangrupa sur le principe de Lumbung. « Lumbung » est le mot indonésien désignant une grange à riz collective où l’on stocke les excédents de la récolte pour le bien de la communauté.

« Rahmenbau » de Haus-Rucker-Co
« Rahmenbau » de Haus-Rucker-Co © dpa

Lors d’une visite, on s’intéressera aussi aux œuvres d‘art des expositions précédentes qui marquent encore la ville de leur empreinte. La documenta 6, en 1977, a laissé de nombreuses traces. Sur la place Friedrichsplatz, près de la statue du landgrave Frédéric II., on peut voir le « Kilomètre terrestre vertical » de l’artiste américain Walter De Maria, mais seulement sous forme d’un petit disque de laiton inséré dans une plaque en grès, une perche en laiton de 1000 mètres ayant été enfoncée dans la terre et étant ainsi invisible.

Le Rahmenbau (Cadre) du groupe d‘artistes Haus-Rucker-Co est lui bien visible, et de loin. Cette sculpture praticable est un grand cadre dans lequel est suspendu un cadre plus petit et se situe au-dessus de l’Escalier Gustav-Mahler. Le regard de l’observateur est dirigé depuis le grand cadre à travers le petit cadre vers l’Orangerie dans le parc de la Karlsaue.

La première sculpture laser permanente au monde dans l’espace public illumine tous les samedis le ciel nocturne de Kassel. Le rayon rouge et vert du « Laserscape » de Horst H. Baumann relie l’Hercule, l’Orangerie, le Hessisches Landesmuseum et la Karlsaue et, ainsi les grands emblèmes de la ville.

« 7000 Chênes » de Joseph Beuys
« 7000 Chênes » de Joseph Beuys © dpa

Au début de la documenta 7 en 1982, Joseph Beuys a fait planter « 7000 Chênes » en différents lieux à Kassel – chacun accompagné d’une stèle en basalte. Les 7000 stèles furent stockées sur la Friedrichsplatz, devant le Fridericianum, jusqu’à ce qu’on les utilise. La sculpture en pierre diminuait au fur et à mesure que les arbres étaient plantés. Cette œuvre paysagère a été achevée en 1987 lors de la documenta 8.

« La Pioche » de Claes Oldenburg
« La Pioche » de Claes Oldenburg © dpa

En 1982 aussi, Claes Oldenburg a installé « La Pioche » sur une rive de la Fulda près du pont Drahtbrücke. La sculpture surdimensionnée de cet outil renvoie à la reconstruction de Kassel après la Seconde Guerre mondiale. Selon les mots d’Oldenburg, c’est l’Hercule trônant au-dessus de Kassel qui y a catapulté la pioche.

« Les Etrangers » sur le portique d’un magasin de mode sur la Friedrichsplatz symbolisent l’exclusion et l’absence d’intégration depuis la documenta 9 en 1992. Les trois personnages en céramique, aux origines ethniques et géographiques différentes, semblent désorientés et isolés, ayant échoué avec leurs bagages sur le portail à colonnes de l’ancien Palais rouge. Les yeux baissés, ils regardent l’agitation de la Friedrichsplatz à leurs pieds sans pouvoir participer à la vie de la cité.

« Man Walking to the Sky » de Jonathan Borofsky
« Man Walking to the Sky » de Jonathan Borofsky © dpa

Le « Man Walking to the Sky » de Jonathan Borofsky, également créé lors de la documenta 9, semble grimper vers le ciel. Ce personnage masculin, surnommé le Conquérant du ciel par les habitants de Kassel, avance imperturbablement sur un tube en acier de 25 mètres de long et incliné de 63°, pointant vers le ciel sur 15 mètres de haut devant la gare de Kassel.

« Idee di Pietra » de Giuseppe Penone
« Idee di Pietra » de Giuseppe Penone © dpa

En marge de la Karlsaue près de l’Escalier Gustav-Mahler, l’œuvre « Idee di Pietra » invite à réfléchir depuis la documenta 13 en 2012. Cette sculpture haute de neuf mètres de l’artiste Giuseppe Penone, appelé l’Arbre de Penone, est le moulage en bronze d’un noyer. Ses branches sont largement taillées et sa couronne porte un bloc erratique en granit. Comme dans la question sur la poule et l’œuf, ici aussi, on ne sait pas si le bloc a été poussé vers le haut par l’arbre ou s’il est tombé du ciel.  

« Monument des étrangers et des réfugiés » d’Olu Oguibe
« Monument des étrangers et des réfugiés » d’Olu Oguibe © dpa

Le « Monument des étrangers et des réfugiés » d’Olu Oguibe a donné matière à discussion après la documenta 14 il y a cinq ans. L’œuvre en forme d’obélisque porte en allemand, anglais, arabe et turc – les langues les plus parlées à Kassel – l’inscription en lettre dorées « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli », une citation de l’Évangile selon Saint-Mathieu. Pendant la documenta, l’œuvre se trouvait sur la place Königsplatz et aurait dû y rester selon la volonté de l’artiste américano-nigérian, puis fut déplacée vers la proche Treppenstrasse avec l’accord d’Oguibe.

« Homme dans la tour » de Stephan Balkenhol
« Homme dans la tour » de Stephan Balkenhol © dpa

Une sculpture souvent prise pour une œuvre de la documenta, ce qu’elle n’est pas, a également fait sensation. Avant le début de la documenta 13 en 2012, l’artiste Stephan Balkenhol avait installé son « Homme dans la tour » sur le clocher de l’église Sainte-Elisabeth sur la  Friedrichsplatz. L’œuvre montre un homme écartant les bras sur une boule dorée. La cheffe de cette édition de la documenta, Carolyn Christov-Bakargiev, considérait que son exposition était gâchée par cette sculpture n’appartenant pas à la documenta. Balkenhol a finalement fait don de son œuvre à cette église catholique. 

(avec la dpa)  

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