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Berlin / Paris

L’Europe a besoin du duo de leaders France-Allemagne – ces pays acceptent-ils cette tâche ?

Daniela Schwarzer, 08.11.2018
La chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron
La chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron © Presse- und Informationsamt der Bundesregierung

P our développer l’intégration européenne, Paris et Berlin n’ont eu de cesse de donner des impulsions décisives ces dernières décennies. Mais l’Union européenne a changé et, avec elle, le potentiel et le mode de fonctionnement du tandem franco-allemand. À une époque où l’UE est soumise à une forte pression tant extérieure qu’intérieure, l’environnement politique plus complexe rend la coopération bilatérale pour renforcer l’Europe plus difficile et plus contestée mais aussi plus nécessaire afin de développer l’UE dans les domaines où elle menace de se désagréger. Depuis plus d’une décennie, l’Union européenne lutte contre des crises successives. Après les tensions sociales et politiques croissantes provoquées dans les États et entre certains pays par les crises financière, bancaire et de la dette des États à partir de 2008, la « crise migratoire » a provoqué à partir de 2015 de nouvelles fortes tensions entre l’Europe de l’Est et de l’Ouest. Le débat sur l’avenir de l’Europe est ainsi devenu plus controverse et plus politisé. Quelques mois avant les élections européennes en mai 2019, on craint que les partis euro-sceptiques ne freinent la coopération et les progrès de l’intégration en étant plus présents au Parlement européen et en envoyant des représentants euro-critiques à la Commission, en plus des représentants des gouvernements au Conseil européen et dans les Conseils des ministres. Or des mesures sont nécessaires pour faire avancer une intégration qui n’a pas été achevée ces dernières décennies – par exemple dans le domaine de la politique migratoire, de la sécurité intérieure et extérieure ou de la zone euro – afin que l’UE puisse continuer à être synonyme de stabilité, de prospérité et de protection.

Depuis la formation du gouvernement à Berlin en mars 2018, la coopération franco-allemande est montée en puissance, même si le président Macron a dû attendre six mois la réponse à son discours sur la politique européenne à la Sorbonne en septembre 2017. Le sommet franco-allemand à Meseberg le 18 juin 2018 a été une étape importante pour trouver un compromis biltatéral, par exemple sur la zone euro. Berlin et Paris veulent maintenant œuvrer à l’achèvement de l’Union bancaire et à la création d’ici à 2021 d’un budget de la zone euro qui se composerait de versements nationaux, de recettes fiscales et de fonds ­européens sur plusieurs années. Le Mécanisme européen de stabilité (MES), quant à lui, doit également être développé.

Les propositions créent visiblement un équilibre entre les intérêts français et allemands en établissant par exemple des mesures qui renforcent la responsabilité propre des pays et les mécanismes de contrôle, en plus du renforcement des instruments fiscaux et du mécanisme de sauvetage. Or des divergences persistent sur le mode de fonctionnement de la zone euro derrière le compromis établi entre la solidarité et la responsabilité nationale, entre la logique du marché et la nécessité d’une action politique. Tout comme la perspective française, orientée sur la demande, se distingue fortement de la perspective allemande orientée sur l’offre, Macron considère l’importance d’un budget de la zone euro comme étant plus pertinente alors que le gouvernement allemand refuse les mécanismes de transfert. Il faut donc parvenir à une entente plus large sur les instruments nécessaires à un espace monétaire commun. 

Or les chances d’une entente franco-allemande se sont améliorées en raison du fait que Macron veut réformer l’Union européenne en profondeur et donne la priorité à la hausse de la puissance d’innovation, de la flexibilité et de la compétitivité de l’économie française. D’autres pays de l’UE jettent un regard critique sur le compromis franco-allemand, dont les huit pays d’Europe du Nord et de l’Est qui se sont entre autres déclarés opposés à un budget de la zone euro dans une lettre ouverte publiée au cours de l’été 2018.

Dans la politique migratoire européenne, Berlin et Paris s’engagent en faveur d’un renforcement de l’agence européenne de protection des frontières Frontex. Ils sont partisans de la création d’une agence européenne de coordination de la politique d’asile et veulent étendre la coopération avec les pays d’origine et de transit. Un système équitable de répartition des charges et d’accueil des migrants doit parallèlement être implémenté, une démarche qui soulève le scepticisme en Europe centrale et orientale.

Berlin et Paris veulent également renforcer la politique extérieure et de sécurité, par exemple en créant un Conseil de la sécurité européenne et avec des décisions prises à la majorité dans la Politique étrangère et de sécurité commune. Ils veulent également faire avancer la coordination européenne dans les affaires concernant l’ONU, une occasion s’offrant en 2019–2020 car l’Allemagne aura alors un siège non-permanent au Conseil de sécurité de l’ONU

Le développement de la politique de défense est également prioritaire mais les divergences freinent les progrès, par exemple dans la création de capacités militaires. Malgré le soutien commun au Mali, en Afrique du Nord ou en Syrie, il existe des différences dans les cultures stratégiques des deux pays. Cela est particulièrement perceptible dans l’importance accordée aux missions militaires par rapport aux missions civiles.

Dans la coopération en matière d’armement, les progrès sont surtout efficaces quand les deux pays s’engagent conjointement. Il faut actuellement surmonter des obstacles bloquant par exemple la volonté réelle d’une coopération bilatérale de long terme dans des secteurs clés, une approche politique de l’industrie de l’armement et les positions différentes sur le contrôle des armements. Les deux pays se différencient aussi sur la question de savoir quelle formes et quels groupes permettent la meilleure co­opération. La France met au premier plan la coopération pragmatique avec des petits groupes flexibles et réactifs afin de pouvoir effectuer des opérations efficaces. L’Allemagne, elle, recherche une approche inclusive et une intégration dans le cadre européen pour éviter les clivages.

Dans l’approfondissement de la zone euro, la France est là aussi plus encline que l’Allemagne à avancer avec ce seul groupe de dix-neuf pays. Du côté allemand, c’est le souci d’éviter une scission du marché intérieur entre la zone euro et les pays qui n’en font pas partie qui domine.  

Si l’UE doit se développer face à ces challenges internes et externes, cela se fera le plus efficacement avec un leadership durable et puissant de Berlin et Paris. Le Conseil européen en décembre 2018 est le bon moment pour, avant les élections européennes, signaler que l’Union européenne prend au sérieux les craintes de sa population et ses critiques envers l’UE, sans sacrifier l’idée à une rhétorique populiste.

Un catalogue de compromis franco-allemand, qui doit être présenté au sommet, est un bon signal. Mais la tâche consistant à emmener 
les autres gouvernements et les opinions publiques de l’UE est immense, tout comme réussir à convaincre les critiques dans les pays respectifs. Berlin accorde plus d’importance au fait de réussir à emmener les gouvernement euro-sceptiques d’Europe centrale et orientale que Paris ne le fait. Les deux gouvernements doivent s’atteler à cette tâche

© www.deutschland.de

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