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« Nous devons trouver de nouvelles voies de croissance »

Le climatologue Anders Levermann s’exprime sur les limites nécessaires pour l’économie, les nouvelles opportunités et les développements internationaux.

Johannes_GöbelInterview: Johannes Göbel, 08.11.2024
Anders Levermann : « Arrêt de l’exploitation des ressources fossiles »
Anders Levermann : « Arrêt de l’exploitation des ressources fossiles » © pa/dpa

Professeur Levermann, cela fait longtemps que vous mettez en évidence, par vos travaux scientifiques, la valeur des voies de croissance alternatives pour la protection du climat. Qu’est-ce qui doit changer ?

Notre croissance passée était fondée sur les sources d’énergie fossiles. Sur notre planète, celles-ci sont épuisables et provoquent un réchauffement mondial. C’est pourquoi elles ne peuvent pas faire partie d’un modèle d’avenir. L’économie et la prospérité peuvent continuer à croître, mais nous devons parvenir à un arrêt total de l’exploitation des ressources fossiles. Au cours de l’histoire, des limites ont toujours été fixées au développement économique : par exemple, en mettant en place les droits humains et en abolissant l’esclavage. Cela a également changé la manière dont nous produisons et gérons nos économies, tout en nous contraignant à évoluer. Nous devons plier nos courbes de croissance et trouver de nouvelles voies.

Les économies émergentes ne doivent en aucun cas répéter les erreurs des nations industrielles d’Europe et d’Amérique.
Anders Levermann, Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique (PIK)

Plaidez-vous donc pour des limitations strictes en vue d’une protection climatique réussie ?

Le marché crée un système incitatif et motive l’innovation, cela dit : d’une part, de nombreux coûts inhérents à notre économie actuelle ne sont pas pris en compte dans les prix et, d’autre part, certaines valeurs ne sont pas achetables. Nous ne laissons pas la consommation d’héroïne à la merci du marché libre, car cette dernière est mortelle. La température de la planète augmentera aussi longtemps que nous brûlerons du pétrole, du gaz et du charbon. C’est pourquoi ces derniers doivent être remplacés par de l’énergie solaire et éolienne. Dans ce contexte, l’échange de quotas d’émission ne constitue pour l’économie qu’une aide afin d’atteindre le seuil de zéro émission prévu pour 2045. Au cours des dernières années, l’utilisation de l’énergie solaire et éolienne est devenue de plus en plus efficace et rentable. Grâce à la force d’innovation de la société, de l’économie et de la science, nous pourrons faire en sorte que la voie empruntée par la société nous permette de faire demi-tour avant d’atteindre la limite climatique.

Une étude publiée il y a quelques jours par l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique montre que de plus en plus de régions du monde parviennent à se développer économiquement, tout en réduisant leurs émissions de CO2. Comment interpréter cette évolution ?

Ce découplage est en cours, mais il ne se fait malheureusement pas assez rapidement. Néanmoins, force est de constater que l’Europe, plus particulièrement, fait des progrès dans la transformation de ses économies en vue de la protection du climat. L’Amérique du Nord et l’Asie présentent également des signes d’espoir. En aucun cas, les économies émergentes ne doivent répéter les erreurs des nations industrielles d’Europe et d’Amérique, en s’engageant sur des voies de croissance fossiles destructrices.