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Prince Emrah danse pour les réfugiés queers

Le danseur du ventre Emrah a dû fuir son pays. En Allemagne, il organise des évènements pour les réfugiés queers et artistes racisés. 

Kim BergKim Berg , 19.06.2024
Emrah est engagé depuis 2018 pour les artistes queers.
Emrah est engagé depuis 2018 pour les artistes queers. © privat

Jeune garçon, Emrah porte les vêtements et les chaussures de sa mère en cachette et s’admire devant le miroir. « Pendant les fêtes de famille, je préférais danser avec les filles », déclare le trentenaire. Il aime surtout la danse du ventre. « Mes parents n’appréciaient pas du tout. Ils m’ont interdit de danser pendant les fêtes », raconte-t-il. Quand sa famille découvre qu’Emrah est homosexuel, elle le rejette. Pour éviter d’être emprisonné, Emrah, Azerbaïdjanais arrivé au Turkménistan à l’âge de trois ans, doit fuir en Turquie. Il vit à Istanbul pendant deux ans et demi avant de venir en Allemagne en 2015. La liberté qu’il y trouve lui permet de vivre ouvertement comme une personne non-binaire. En effet, aujourd’hui, Emrah ne se définit ni comme une femme ni comme un homme et les deux pronoms « il » ou « elle » lui conviennent parfaitement.  

Les premiers temps dans ce nouveau pays ne sont pas évidents. « Je n’avais aucune idée de ce que je pouvais faire avec ma nouvelle vie. Je n’avais plus de contact avec ma famille et ne connaissais personne en Allemagne. » C’est sa passion, la danse du ventre, qui l’aide. En décembre 2016, Emrah monte sur scène pour la première fois dans un petit festival. « Je n’avais pas assez d’argent pour m’acheter un costume. Alors j’en ai cousu un à la va-vite à partir de mes rideaux », raconte-t-il, le sourire aux lèvres. 

Le « Black Brown Cabaret » mélange le cabaret et le burlesque.
Le « Black Brown Cabaret » mélange le cabaret et le burlesque. © CEREN-SANER

Tout d’abord, il rencontre des difficultés pour monter sur scène. « Il n’y a que peu de salles pour les artistes queers en exil », explique-t-il. Pour se démarquer, Emrah opte pour un nouveau style tout en paillettes, avec des costumes et chapeaux extravagants. Et la métamorphose fonctionne. On parle de plus en plus d’Emrah et il se donne un nom d’artiste : Prince Emrah. « Les autres artistes en exil me contactaient de plus en plus fréquemment », raconte-t-il. En 2018, il fonde à Berlin le collectif QueerBerg pour soutenir les réfugiés queers et les artistes transsexuels. Ses membres apparaissent régulièrement sur scène ou organisent des festivals, des soirées festives ou des manifestations de solidarité. 

Avec la pandémie arrive la prochaine étape. Emrah crée le « Black & Brown Cabaret ». « À ce moment, les artistes ne pouvaient plus monter sur scène, tous les bars et les clubs étaient fermés », explique Emrah. Les restaurants sont les seuls lieux à rester ouverts, sous conditions. C’est pourquoi il organise un cabaret dans un restaurant qui dispose d’une petite scène. Jusqu’à aujourd’hui, des artistes venant de nombreux pays du Proche-Orient ou d’Asie y performent pendant que le public est attablé.  

Après la pandémie, Emrah est sollicité pour de plus grands festivals. « Mais je n’entrais en scène que sur les petites scènes. Les grandes scènes étaient toujours réservées à d’autres performances », se rappelle-t-il. C’est pourquoi Emrah organise son propre festival : le « Whoriental Festival » à Berlin qui se qualifie de « provocation en toute conscience et de lieu de rencontres ». Ceux qui montent sur scène sont des personnes qui transmettent un message par leur performance, que ce soit le body positivisme, l’empouvoirement ou la diversité. En septembre 2024, ce festival dure pour la première fois trois jours. Les recettes issues des ateliers, des performances, des concerts, des débats, des dragshows et des soirées sont reversées à des projets queers.  

Le travail d’Emrah est remarqué dans d’autres régions du pays. « La Ruhr souhaite mettre en place des lieux similaires pour les artistes queers en exil », explique-t-il. Depuis 2023, il y présente « House of Namus », une suite de représentation dans différents endroits. En juin 2024 s’y ajoute un festival du même nom. Comme son modèle « Whoriental », cela doit être un lieu de festivités sûr, notamment pour les femmes musulmanes et les personnes queers. 

À propos de ses objectifs, Emrah déclare : « Je souhaite donner aux personnes queers en exil la possibilité de trouver une nouvelle famille en Allemagne et de l’espoir pour l’avenir. »