« Nous avons la chance de pouvoir construire un avenir commun »

Madame Ilk, la Biennale ouvrira ses portes à Venise le 20 avril. Vous avez donné à la contribution allemande le titre de « Thresholds ». De quels « seuils » s’agit-il ?
Il s’agit des transitions que retracent six artistes dans deux lieux différents de l’exposition de cette année. Le contenu de ces positions oscille au seuil de notre présent – dominé par l’incertitude et les crises –, et porte, à partir de là, un regard sur le passé et l’avenir, mais aussi sur des constructions territoriales. S’y ajoutent les seuils sociaux et identitaires que vivent, par exemple, les personnes issues de l’immigration. Moi-même, je suis arrivée en Allemagne il y a 20 ans, et je me sens toujours à la croisée des chemins, tant sur le plan de mon appartenance nationale que sur celui de ma position sociale. 

Quelle image de l’Allemagne souhaitez-vous véhiculer ?
Pour moi, l’idée même de représenter un pays spécifique n’est plus d’actualité. Bon nombre de mes prédécesseurs ont fait du pavillon allemand une occasion d’aborder l’histoire de l’Allemagne de manière critique. Cela me tient également à cœur, mais j’adopte pour cela une approche multi-perspective, transculturelle et transdisciplinaire. 

Qu’entendez-vous par là ?
Nous vivons déjà dans une société postmigratoire. Il ne s’agit plus de savoir si nous avons besoin de migration, mais seulement de savoir comment la négocier politiquement. C’est pourquoi, lors de la sélection des artistes, il m’a semblé important de réunir des biographies et des perspectives très différentes.  

Dans quelle mesure l’art peut-il et doit-il exercer un impact politique ?
L’art nous donne des espaces de liberté, et ce sont d’eux dont nous avons cruellement besoin en ce moment : sous forme de plateforme, pour rassembler les gens, pour les atteindre en termes de contenu et d’émotion. Si les seuils marquent des discontinuités, ils offrent en même temps la possibilité de les franchir. Et donc la chance de construire un avenir commun. 

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Çağla Ilk est co-directrice de la Kunsthalle Baden-Baden depuis 2020. Auparavant, elle avait travaillé en tant que dramaturge à Berlin, au théâtre Maxime-Gorki. Née à Istanbul, cette commissaire d’exposition et architecte travaille de manière transdisciplinaire, mêlant les arts plastiques, l’architecture, le son, le théâtre et la performance.