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« La reconstruction doit avoir lieu en parallèle »

La chercheuse Solveig Richter explique quels jalons doivent être posés rapidement pour la reconstruction de l’Ukraine. 

Carsten HauptmeierCarsten Hauptmeier , 06.06.2024
La spécialiste de la paix et des conflits, la professeure Solveig Richter
La spécialiste de la paix et des conflits, la professeure Solveig Richter © Universität Leipzig

La spécialiste de la paix et des conflits Solveig Richter de l’université de Leipzig est spécialiste des processus de paix et de la reconstruction d’après-guerre. La scientifique a été nommée par le gouvernement fédéral à la plateforme « Reconstruction de l’Ukraine ». En amont de la Conférence sur la reconstruction à Berlin, elle parle des défis que doit surmonter l’Ukraine, de l’expérience acquise dans d’autres régions et de la diversité des aides nécessaires. 

Madame Richter, quelle importance a le sujet de la reconstruction alors que l’Ukraine est toujours en guerre ?
Le plus grand défi actuel est en effet que l'Ukraine continue d'être attaquée par la Russie. C’est pourquoi on se concentre plutôt sur les livraisons d’armes que sur les mesures concrètes de reconstruction. Mais la reconstruction doit avoir lieu en parallèle. Il s’agit par exemple d’aider le pays à conserver ses infrastructures. Il est également important de créer des institutions qui peuvent orienter les mesures de reconstruction. Sans oublier de nous préoccuper des conséquences de la guerre sur la population ukrainienne. Les structures de la société civile sont en partie détruites. 

Que signifie la reconstruction au-delà de celle des maisons détruites et de l’infrastructure ?
Il s’agit par exemple d’aider l’Ukraine qui aspire à adhérer à l’UE à mettre en place des processus démocratiques pour se réformer. Quand on pense aux écoles, la reconstruction ce n’est pas uniquement la remise en état des bâtiments mais également des programmes de retour pour les enseignements ou le remaniement des programmes scolaires. Mais surtout, il faut comprendre que nous avons affaire à des traumatismes sociétaux. La population a besoin de lieux dédiés et de programmes pour analyser le conflit et ses conséquences. Plus tard, il sera certainement nécessaire de mettre en place des programmes d’intégration pour les soldats.  

Vous avez étudié la reconstruction dans différents pays, notamment dans les Balkans occidentaux et en Colombie. Y a-t-il des expériences ou des modèles qui peuvent aider l’Ukraine ?
Une des principales missions est de contrôler démocratiquement l’important soutien financier et d’empêcher la corruption. Un autre point important est la coordination entre les donateurs, que ce soient les différents pays ou des institutions non-étatiques et les entreprises. En effet, le plus grand danger est que chacun trace son chemin sans se concerter avec les autres et qu’ainsi certains projets soient financés en double et d’autres pas du tout. Les expériences dans les autres pays montrent également que les acteurs subventionnés n’étaient en partie pas assez ancrés dans la société. Ainsi, il peut être préférable, en cas de doute, de distribuer des petites sommes sur le terrain de façon non bureaucratique.  

Comment coordonne-t-on correctement les aides à la reconstruction ?
Les fonds auxquels contribuent les différents bailleurs de fonds constituent une possibilité. Il est également importants d’avoir des institutions en Ukraine qui comme les instituts de crédit allemands pour la reconstruction orientent et coordonnent les processus. Parallèlement, de telles institutions doivent être elles-mêmes correctement contrôlées.  

D’un autre côté, il faudrait agir de façon plus décentralisée au niveau local. Pour cela, on peut s’appuyer par exemple sur les jumelages car les personnes concernées connaissent bien le terrain et savent où se trouvent les besoins.  

Actuellement, il s’agit essentiellement de mobiliser davantage d’aide pour l’Ukraine. Quelle importance a le secteur privé, en plus des États ?
Il est très important. Les entreprises privées mais aussi les fonctions ont un rôle décisif à jouer pour reconstruire l’Ukraine sur le long terme. Il ne s’agit pas seulement des grandes entreprises. Ce sont justement les coopérations entre les petites et moyennes entreprises qui encouragent le développement économique de façon décentralisée.