Pro & Contra
Mettre des limites à la vitesse ?
Une limite de vitesse fixée à 130 km/h sur les autoroutes allemandes ? Une défenseuse et un détracteur de cette idée échangent ici leurs arguments.
Pro
Dorothee Saar est responsable Transport & Gestion de la qualité de l’air au sein de la Deutsche Umwelthilfe (DUH). Cette association s’engage pour la protection de la nature et de l’environnement ainsi que pour les droits des consommateurs. Avec une alliance, qui regroupe notamment Greenpeace, l’association sociale VdK et le syndicat de la police (GdP), elle demande une limitation générale de la vitesse.
Contra
Lutz Leif Linden est président du Club automobile d’Allemagne (AvD). L’association fondée en 1899 s’engage pour la sécurité routière et le sport automobile. Elle compte 1,4 million de membres et de clients. En principe, le plus grand club automobile allemand, l’ADAC (Allgemeiner Deutscher Automobil-Club), qui compte environ 22 millions de membres, n’est désormais plus contre une limitation de la vitesse.
La limitation de la vitesse peut-elle contribuer à la protection de l’environnement et du climat ?
Oui. Une limitation de la vitesse constitue même la mesure de protection du climat la plus importante et la plus efficace dans le secteur du transport, ses effets sont immédiats et elle est peu onéreuse. Le ministère de l’Environnement (UBA) a calculé l’effet sur le climat des limitations de vitesse dans une étude actuelle. Une limitation de la vitesse sur les autoroutes et une réduction de la vitesse maximale hors agglomération à 80 km/h peut permettre de réduire de jusqu’à 8,1 pour cent les émissions à effet de serre de la circulation. Cela permet de combler l’écart pour atteindre les objectifs de protection du climat obligatoires dans le secteur du transport d’ici 2030 d’environ un tiers, rien qu’avec une limitation de la vitesse. Même du point de vue de la protection de l’environnement, tout est en faveur d’une limitation de la vitesse : cela réduit les émissions de dioxydes de carbone et de poussières fines, nocives pour la santé.
Du point de vue de l’AvD : non. Avec environ 13 200 km, les autoroutes représentent deux pour cent du réseau routier global. Mais environ un tiers du kilométrage total de 600 milliards de kilomètres y est parcouru. Bien que 70 pour cent des autoroutes n’affichent pas de limitation de vitesse, selon une analyse actuelle de l’Institut de l’économie allemande (IW), 83 pour cent des automobilistes roulent à moins de 130 km/h sur les portions sans limitation étudiées. Dix pour cent supplémentaires roulent à une vitesse comprise entre 130 et 140 km/h. Seul un pour cent environ dépasse les 160 km/h. La vitesse moyenne est de 113,5 km/h. Cela permet de tirer des conclusions réalistes concernant les émissions de CO2 et réduit par exemple les potentiels d’économie prévus par l’UBA, qui se situent entre veux et six millions. Au vu des émissions de CO2 annuelles de l’Allemagne d’environ 700 millions de tonnes, une limitation à 130 ne permettrait donc une réduction des émissions de CO2 que de l’ordre de quelques pour mille.
Une limitation de la vitesse rendrait-elle la circulation plus sûre en Allemagne ?
Oui. Une limitation générale de la vitesse pourrait éviter chaque année des milliers de morts et d’innombrables blessés graves sur la route. La vitesse excessive est d’une des principales causes d’accidents mortels. Ici, la vitesse absolue n’est pas le seul facteur décisif, il est aussi question des grandes différences entre les véhicules très rapides et ceux plus lents. Une limitation de la vitesse minimiserait ces différences et rendrait le trafic plus homogène et prévisible. Surtout sur les routes nationales où ont lieu la plupart des accidents mortels, une limitation de la vitesse maximale à 80 km/h pourrait sauver des vies humaines.
L’AvD s’engage depuis toujours pour la sécurité routière et la vision zéro, à savoir un trafic routier sans morts ni blessés graves. Du point de vue statistique, les accidents avec des dommages corporels sur les autoroutes correspondaient à peine sept pour cent en 2023. 70 pour cent des accidents ont lieu dans les agglomérations et 24 pour cent sur les routes nationales. C’est similaire pour les décès : on a décompté onze pour cent des victimes sur les autoroutes, 32 pour cent en ville et 58 pour cent sur les nationales. Les statistiques fédérales attribuent 40 pour cent des décès sur les autoroutes à la cause d’accident « vitesse non adaptée ». Mais cette explication concerne aussi les vitesses inférieures à 130 km/h, par exemple en cas de non prise en compte de la situation routière ou des conditions météos.
Une limitation de la vitesse pourrait-elle limiter les embouteillages et le bruit ?
Oui. Les différences de vitesse et les accélérations et freinages associés sont l’une des principales causes d’embouteillages sur les voies libres. Une limitation de la vitesse entraîne une homogénéisation des vitesses, améliorant ainsi le flux de la circulation, ce qui réduit nettement les embouteillages. La limitation de la vitesse constitue aussi une mesure centrale et peu onéreuse contre le bruit, car les vitesses réduites entraînent des émissions sonores moindres. Ainsi, par exemple, une diminution de la vitesse de 130 à 100 km/h réduit les nuisances sonores ressenties de 50 pour cent. C’est très important, car le bruit est la deuxième principale cause environnementale des problèmes de santé, après la pollution de l’air. Il augmenta le risque de maladies cardio-vasculaires, de troubles du sommeil et de stress psychique. Comme le trafic est la plus grande source de bruit en Allemagne, une limitation de la vitesse pourrait soulager des millions de personnes.
L’AvD ne part pas de ce principe. La principale cause du trafic non fluide et des embouteillages, c’est d’avoir trop de véhicules en même temps sur une certaine portion de route. Environ un tiers des embouteillages sur les autoroutes sont dus à des travaux. Le manque d’aménagement des autoroutes dans de nombreuses agglomérations entraîne une surcharge chronique. Selon les chercheurs dans le secteur routier, c’est la cause d’un autre tiers des embouteillages. Le dernier tires est constitué des accidents. Mais il n’est pas scientifiquement prouvé qu’une limitation de la vitesse réduirait le nombre d’accidents. L’éventuel avantage pour la protection antibruit est aussi douteux, car le bruit de roulement des preux est déjà considérable même avec une vitesse sur nationale d’entre 80 et 100 km/h. Des mesures constructives comme l’utilisation d’« enrobé antibruit » et la construction de murs antibruit seraient plus efficaces.
Pour conclure : pour ou contre et pourquoi ?
L’Allemagne est le dernier pays industriel au monde sans limite de vitesse – une exception qui est obsolète depuis longtemps. Les avantages d’une limitation de la vitesse sont prouvés scientifiquement, la mise en œuvre serait simple, peu coûteuse et aurait des effets positifs immédiats. Une limitation de la vitesse protège le climat et sauve des vies humaines. Parallèlement, elle réduit les nuisances sonores et les émissions de particules fines et de dioxyde de carbone, nocives pour la santé.
L’AvD s’oppose à l’exigence, fondée sur une idéologie, d’une limitation de la vitesse, car le potentiel de réduction du CO2 est à peine existant et l’absence de limitation ne nuit à aucun droit fondamental. La sécurité routière n’est pas visiblement améliorée, car les automobilistes se comportent déjà de manière raisonnable et adaptent leur conduite à la situation donnée. Des limitations fixes de la vitesse n’influencent pas le nombre d’embouteillages sur les autoroutes et une limitation générale de la vitesse n’est pas non plus utile pour réduire le bruit.