Aller au contenu principal

« Un engagement clair en faveur d’une base commune de valeurs »

Faciliter la naturalisation est dans le propre intérêt de l’Allemagne, déclare Reem Alabali-Radovan, la ministre déléguée du gouvernement fédéral à la Migration, aux Réfugiés et à l’Intégration.

Interview: Helen Sibum, 26.08.2024
Reem Alabali-Radovan
© reem-alabali-radovan.de/Selin Jasmin

Madame Alabali-Radovan, la nouvelle loi sur la nationalité est entrée en vigueur en juin 2024. Comment situez-vous ces changements dans l’évolution de l’Allemagne vers un pays d’immigration moderne ?

Cette réforme est un grand succès, nombreuses sont les personnes qui attendent depuis des années, voire des décennies ce moment. Ainsi, grâce à ces transformations, nous rejoignons enfin les lois modernes d’autres pays en matière de naturalisation. La loi s’inscrit dans une série de projets que le gouvernement allemand a déjà adoptés en vue de devenir un pays d’immigration moderne.

La nouveauté principale que présente cette loi est la possibilité généralisée d’obtenir la double nationalité. Quels avantages apporte ce changement ?

Beaucoup de personnes dans notre pays détiennent déjà plus d’une nationalité. Jusqu’à présent, pour chaque naturalisation, la pluralité de nationalités n’était pas autorisée. Grâce à cette loi, nous rendons enfin justice et permettons à tous de conserver la nationalité actuelle, en plus de la nationalité allemande.

La loi doit par ailleurs permettre de réduire les obstacles à la naturalisation, par exemple en abaissant la durée minimale du séjour. Pourquoi cela était nécessaire ?

Dans d’autres pays d’immigration, des délais de séjour plus courts sont depuis longtemps monnaie courante. Si nous ne poursuivons pas ici nos efforts, nous perdrons de notre attrait en matière de personnel qualifié par rapport au reste du monde. Mais bien sûr, pour être naturalisée, toute personne doit remplir d’autres conditions, à savoir bien parler l’allemand, subvenir à ses propres besoins et adhérer à notre ordre fondamental libéral et démocratique. 

La loi incite à une intégration plus rapide.
Reem Alabali-Radovan

Enfin, les procédures de naturalisation devraient se dérouler de manière plus rapide et plus efficace. Quelles
mesures sont prévues par la loi pour y parvenir ?

En Allemagne, la plupart des personnes qui se font naturaliser ont déjà échangé avec les services d’immigration et fourni des documents et justificatifs. Cependant, toujours trop de documents doivent être envoyés en double. Cela complique les procédures pour les demandeurs et les personnes traitant les demandes. Maintenant, grâce à la nouvelle loi, un meilleur échange est possible entre les autorités. Dans le même temps, nous numérisons de nombreux processus pour soutenir dans son travail le personnel des autorités de naturalisation. Les données existantes sont ainsi utilisées plus efficacement. 

Dans quelle mesure la nouvelle loi contribue-t-elle à une évolution économique et sociale positive en Allemagne, notamment en ce qui concerne la main-d’œuvre qualifiée ?

Aujourd’hui, la pénurie de personnel qualifié et de main-d’œuvre est déjà énorme ; c’est en particulier dans le secteur de la santé et des soins que la situation est dramatique. Il est dans notre propre intérêt que davantage de travailleurs qualifiés et de main-d’œuvre viennent en Allemagne et y restent. Nous devons créer les conditions nécessaires à cet effet : nous l’avons fait juridiquement, mais un changement doit aussi avoir lieu socialement. Attirer ces personnes pour le marché allemand en tant que personnel qualifié est une chose ; veiller à ce qu’ils veuillent rester durablement ici en est une autre. Cela a beaucoup à voir avec une culture d’accueil positive : des offres favorisant l’intégration, des places en garderie et des perspectives équitables en vue d’une future naturalisation. Sans oublier la question : quelle est le climat en Allemagne ? Tout cela joue un rôle lors de la décision de migrer vers l’Allemagne. 

Depuis des années, voire des décennies, nombreuses sont les personnes qui ont attendu ce moment.
Reem Alabali-Radovan

Les détracteurs de la nouvelle loi estiment que la citoyenneté allemande s’en retrouve dévalorisée. Que répondez-vous à ces personnes ?

En fait, c’est le contraire : la loi incite à accélérer l’intégration. Dans la loi, nous avons par ailleurs stipulé que la nationalité allemande constitue un engagement clair en faveur d’une base commune de valeurs. Les candidats à la naturalisation doivent adhérer à l’ordre fondamental libéral et démocratique, reconnaître la responsabilité historique particulière de l’Allemagne pour la suprématie national-socialiste de l’injustice et ses répercussions, en particulier pour protéger la vie juive. Si quelqu’un agit de manière antisémite, raciste ou d’une autre manière méprisante pour la personne humaine, la naturalisation est exclue.

En vous référant à vos entretiens personnels avec des personnes issus de l’immigration : que signifie pour vous la naturalisation ?

La naturalisation signifie pour beaucoup une vie en sécurité dans une démocratie, dans un État de droit qui fonctionne. Ce principe place la dignité humaine au premier plan : il garantit les mêmes droits pour tous, indépendamment de l’origine, de la religion, du sexe et de la couleur de peau. Et enfin, lorsque des personnes optent pour un avenir ici, dans le pays, et décident d’acquérir la nationalité allemande, cela constitue un grand bénéfice et témoigne de l’estime pour la vie en Allemagne.

Reem Alabali-Radovan,

née en 1990 à Moscou, est membre du Bundestag allemand ; depuis 2021, elle est ministre déléguée du gouvernement fédéral à la Migration, aux Réfugiés et à l’Intégration. En outre, elle est chargée du gouvernement allemand pour l’antiracisme depuis 2022.